Se transformer

C’est une aloé que j’avais reçue près de trente ans auparavant, à l’occasion d’un événement de ma vie. Elle était arrivée dans un verre galbé, pas très gros. Un bébé aloé. Au fil des ans, je l’ai soignée, extraite de sa verrine quand elle y a été à l’étroit. Je l’ai arrosée, sortie pour l’été, et l’hiver j’avais le privilège d’admirer son incroyable fleur rose et verte. Pour la rempoter, quand elle est devenue imposante, je demandais de l’aide et nous la soulevions à l’aide de draps pour protéger nos mains, l’opération était plutôt compliquée. Elle avait atteint un diamètre respectable de soixante-dix centimètres. Mais sa tige s’allongeant horizontalement, il avait fallu il y a deux ou trois ans ajouter un tabouret pour soutenir sa corolle à côté du pot. Cette installation rendait la sortie estivale trop compliquée, alors elle ne fleurissait plus, et sa floraison hivernale me manquait. Ses feuilles sèches prenaient de plus en plus de place. Je devenais pessimiste sur son avenir, et m’apprêtais à tenter le tout pour le tout en la rempotant pour ce que je pensais assez tristement être la dernière fois.

Et puis mon ‘docteur des plantes’ venu dîner à la maison a demandé ce qu’elle avait, sans attendre il a enlevé une brouette de feuilles mortes et annoncé que la tige s’était coupée juste sous les feuilles vertes et ne tenait plus que par quelques fils. La belle avait refait des racines sous la courte tige qu’elle avait gardée. Racines qu’elle plongeait dans le terreau de ses propres feuilles mortes. En somme, elle avait effectué un pas de cinquante centimètres en presque trois décennies – elle marche ! Débarrassée de toute la partie morte, elle resplendit dans un nouveau pot.

Comme quoi ce qui paraît mal en point est parfois juste en train de se transformer en secret…